Trop de « Live » peut-il tuer l’info ?

Info en continu, fils d’information, vidéos live… Ces dernières semaines en sont encore un exemple, quand il s’agit de gérer l’actualité brûlante, le XXIe siècle semble avoir remplacé le choc des photos par la fascination du temps réel. Mais face à ce nouveau mode de communication, de plus en plus synchrone, le public n’est-il pas en droit se demander comment les journalistes pourront continuer à lui garantir une information « live » de qualité ?

La règle des 5W mise à mal par l’info « chaude »

Si l’information dite « froide » laisse toujours la place et le temps à l’investigation, il est un fait que l’actualité chaude nécessite une réactivité où il est tentant de sacrifier à la sacro-sainte règle journalistique des 5 W (What? Who? Where? When? Why? ), une règle qui garantit pourtant la vérification des informations et la pertinence de l’analyse journalistique. Que se passe t-il exactement ? Qui parle ? Dans quel contexte précis ? Où se sont déroulés les faits ? Quand l’action a t-elle eu lieu ? Voilà des questions précises qui appellent un travail d’enquête complet avant d’y répondre. En voulant relayer l’information au plus vite, certains journalistes se contentent malheureusement se survoler cette règle des 5 W et tentent de le cacher en utilisant le conditionnel plutôt que le passé composé.

Le grand mélange « Hard News » – « Soft News »

Un article passionnant de Gaye Tuchman  nous rappelle que le journalisme distinguait originellement les « hard news », informations factuelles « intéressantes pour les êtres humains » des « soft news », informations plus légères et jugées « intéressantes car il s’agissait de la vie d’êtres humains » . La part grandissante de l’émotion dans la bataille pour l’audience a fait glisser cette frontière, jusqu’à faire apparaître de nouvelles chaines d’information « hard », traitant l’actualité exclusivement au travers du sensationnel. Ainsi dans un même contexte d’info en continu, l’approche d’un BFMTV n’est clairement pas la même que celle d’un LCI . Témoins non identifiés, duplex avec des experts aux diplômes douteux, commentaires aussi creux que catastrophistes, peu importe l’information, seule la forme compte. Les images fortes tournant en boucle, les spéculations incessantes, réveillent chez le spectateur une forme d’addiction où se mêlent stress et voyeurisme. Rien à voir avec du journalisme digne de ce nom.

Alors que reste-t-il du journalisme d’actualité dans un tel contexte ? Fort heureusement, la radio reste encore à l’écart de cette guerre du « live » où l’image joue un rôle central et hypnotique. Certaines émission TV aussi, telles que « C dans L’air », se refusent encore à traiter l’information «  hard » sans faire un travail d’analyse et d’investigation. Espérons que l’audience de ce type de médias saura résister à la pression de l’instantané et rappelons-nous que c’est toujours le spectateur qui fait la télé, et non l’inverse…

Laure Lapègue

 

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