Les premières semaines de 2022 ont un goût amer de déjà-vu. Événements annulés, hôpitaux en surcharge et patchwork de protocoles sanitaires jettent un voile sur l’humeur des Français. C’est dans ce climat empreint de lassitude que les professionnels du marketing et de la communication vont devoir naviguer cette année et, malgré les promesses non tenues de 2021, continuer à miser sur un avenir meilleur. C’est parti pour l’exercice annuel de divination marketing que nous envie le Salon de la voyance. Voici mon top 6 des tendances qui vous aideront à mieux appréhender les 11 mois trépidants qui nous attendent. Sous réserve.
Tribune de Xavier Blandin, Planneur stratégique – MULTUM IN PARVO
1 – Anti bullshit
Après 2 ans passés sur des montagnes russes, à apprendre l’alphabet grec (après omicron, c’est pi), entrevoir des signes d’espoir puis voir apparaître de nouveaux variants (le même virus en pis), les consommateurs sont épuisés et confus (voire pissed, si on est anglais).
L’usure nous pousse à prendre des risques pour retrouver un semblant de normalité dans un monde où, nous l’avons enfin compris, il faut s’attendre à tout et surtout à n’importe quoi. Autrement dit, nous sommes ouverts au changement, prêts à redéfinir nos attentes, si cela nous ramène au monde que nous connaissions avant.
Fini le temps du marketing de la pandémie, des sur-promesses bienveillantes de marques soucieuses de notre bien-être confiné (because, together, we care) et des posts Insta rigolos qui tentent de nous faire oublier le 3ème test PCR de la semaine. Les marques doivent réapprendre le pragmatisme, les consommateurs veulent de l’empathie ET de l’efficacité.
La résonance viendra des discours qui sauront amener des solutions pratiques, de la valeur tangible, une réponse en temps réel à leurs besoins. La fonction utilitaire, pas juste symbolique. Des expériences de marque inspirantes car ancrées dans une réalité objective.
Quoi de neuf me direz-vous ? Rien.
Mais cette année, les promesses doivent vraiment être tenues (et tenables).
2 – Dessine-moi un métavers
En 2021, le groupe Facebook est devenu Meta, probablement le rebranding le plus important de l’année voire des dernières années. Selon Zuckerberg, la première pierre d’une stratégie destinée à préparer l’entreprise aux futurs environnements digitaux et à porter une vision du métavers plus ‘ouverte’, plus ‘juste’ avec ‘les gens au cœur’ de la technologie. Difficile à croire après l’affaire des Facebook files. En tout cas, saluons cette très belle diversion de la firme qui profite de l’annonce pour mettre la poussière sous le tapis (et préserver des scandales les autres marques du néo-groupe Meta).
Bref, bien que personne (y – compris Zuckerberg – voir le futur et en faire partie sont deux choses distinctes, Mark) ne sache encore ce qu’on va y mettre vraiment, impossible d’échapper au métavers en 2022. Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’il en va d’un enjeu de souveraineté. Gucci, Coca- Cola, Louis Vuitton et les Pokémon y sont déjà. D’autres marques vont suivre et les applications promettent d’être nombreuses et maladroites.
Nous devrions cependant en tirer de précieux enseignements sur les frontières technologiques qu’il nous faudra franchir pour donner vie au métavers. A ce propos, pour ne pas passer à côté de ce qui s’annonce être la prochaine évolution majeure de notre usage d’internet, la Harvard Business Review a quelques conseils à vous donner. C’est ici (article en anglais).
3 – The cookieless future is coming
Ne vous attendez pas à un miracle.
Les gens n’aiment pas le changement. Les GAFAM et les BATX encore moins. Tandis que Google a déjà annoncé que la suppression progressive des cookies tiers n’interviendrait pas avant 2023, les 11 prochains mois s’annoncent cruciaux pour l’industrie – les annonceurs, l’Ad Tech et les éditeurs rivaliseront d’imagination tactique pour continuer à tracker les consommateurs et poursuivre la publicité ciblée.
Mais ne cédons pas au pessimisme.
Même si Google s’en tient à son calendrier, nous devrions voir se dessiner graduellement les contours d’un futur sans cookie. Le régulateur européen y travaille. Après le DMA (Digital Markets Act) adopté en décembre 2021, le Parlement européen a largement approuvé le DSA (Digital Services Act) en janvier. De quoi redonner le sourire à Mozilla qui salue « un pas de plus vers un meilleur internet ». Et surtout de quoi nous permettre de réagir à l’urgence : répondre à l’insatisfaction croissante des consommateurs, certes en quête d’une plus grande personnalisation des expériences, mais surtout usés par les interminables formulaires de refus de consentement à la collecte de données et le data-mining intrusif.
Aux experts ès data le soin de définir les bonnes solutions, une chose est sûre, il n’y en aura pas d’idéale.
4 – TikTok time
« Les réseaux sociaux, c’est là où les marques vont à la rencontre de leurs clients, leur serrent la main et embrassent leurs enfants ».
Cette citation, dont j’ai oublié le nom de l’auteur, qu’il me pardonne (un indice: ce n’est ni Einstein ni Zuckerberg), reste pertinente en 2022. En témoignent les prévisions de croissance des investissements publicitaires mondiaux en social media : +9.1%. Elles devraient atteindre 177 milliards de dollars en 2022, soient 61.5% des dépenses totales, dépassant pour la première fois la télévision à 174 milliards de dollars (source : Zenith).
Dans ce contexte, malgré la domination incontestable du taulier Facebook et ses 2.9 milliards d’utilisateurs actifs, la soif de divertissement vidéo des consommateurs les pousse à largement adopter TikTok, YouTube Shorts et autres Insta Reels. Et les marketeurs d’intégrer ces plateformes à leur stratégies sociales.
Beats by Dre, Chipotle, Starface et bien d’autres s’y sont déjà risqués avec succès. Ou quand la stratégie de marque rencontre la fraîcheur créative.
Vous hésitez encore ?
Je vous recommande alors chaudement un shot d’inspiration ici et de vous abonner à l’excellente newsletter hebdomadaire de Good TikTok Creative qui achèvera de vous convaincre.
5 – Qui veut être mon nano-influenceur ?
D’après Kantar et eMarketer, le marketing de l’influence va continuer à croître exponentiellement. Et, d’après les mêmes (et pas les mèmes), ce sont les micro-influenceurs qui s’attireront la faveur des partenariats de marques en 2022. Leur capacité à adresser des audiences certes restreintes mais engagées séduit malgré le risque de perdre le contrôle sur la création de contenu.
Et là encore, si Insta reste la plateforme-reine de l’influence, TikTok tire son épingle du jeu en recrutant des créateurs moins connus qui explorent le potentiel de la plateforme. Les nano-influenceurs, c’est leur nom, ont, on s’en doutait, moins d’abonnés mais surtout un public plus spécialisé qui leur fait confiance. Un argument de poids pour assurer la crédibilité de la marque partenaire, dans un écosystème où la probité de certains influenceurs traditionnels est contestée (les esprits jaloux disent qu’ils utiliseraient leur influence pour gagner de l’argent).
En attendant les pico-influenceurs.
6 – Cultiver la jeunesse
Comprendre les gens, c’est compliqué. Parce que nous sommes compliqués. Et plus ces gens sont jeunes, plus c’est compliqué de les comprendre et de leur parler. Pour les marques qui s’adressent à eux, chaque prise de parole est une gageure. Foi d’ex-publicitaire. En la matière, la moindre faute de carre est sanctionnée. Pepsi et Kendall Jenner en ont payé le prix fort en 2017 avec une lamentable tentative de surfer sur la vague Black Lives Matter.
Mais le jeu en vaut la chandelle.
Car si les jeunes générations sont de plus en plus difficiles à atteindre au travers des canaux de conversation traditionnels, elles portent un changement culturel qui a la capacité de modifier profondément notre pratique du marketing et de la communication.
Autrement dit, une lame de fond.
Pour engager ceux qui seront demain notre principale source de business, faire du ‘purpose-driven marketing’ et du social media ne suffira pas. Il s’agira de créer de la pertinence culturelle. Divertir. Inspirer. Les valeurs de marque en figure de proue, le discours produit habilement distillé dans la conversation. Le tout diffusé sur le bon canal. Voir tendances 2, 4 et 5 (sans oublier, l’audio – podcasts bien sûr et plus globalement les expériences immersives). Bref, de l’affinité. Cibler large n’est plus une option. Au risque de ressembler à votre père dansant au milieu de vos amis à votre fête d’anniversaire. Et de finir persona non grata.
En résumé ? Ça ira mieux après omicron.
Sous réserve.
Xavier Blandin