Dans l’environnement associatif, il arrive que la création (contenu, graphisme, photo, vidéo…) soient une production bénévole. Mais il est indispensable de ne pas oublier une notion essentielle : le droit de propriété intellectuelle d’un auteur sur une œuvre. L’aventure récente du club de rugby d’Agen avec son logo pousse l’APACOM à se questionner sur la propriété intellectuelle, ses aspects juridiques et moraux dans le contexte de l’associatif et du bénévolat.
LE SUA MET LE SUJET À L’ORDRE DU JOUR…
Fin février 2020, une affaire de logo et de droit de propriété intellectuelle est venue bousculer le SUA, club de rugby d’Agen. Le club qui évolue en Top 14, avait apporté des modifications à son logo au début des années 2000. Ce dernier avait été remis au goût du jour par un graphiste, se trouvant être une connaissance d’un bénévole du club. Le logo du SUA avait été modifié sans gratification, contrat, ou accord au sujet de la propriété intellectuelle, partant du principe que le travail avait été réalisé bénévolement.
Aujourd’hui, le graphiste de l’époque réclame ses droits sur le logo du SUA, resté inchangé depuis et utilisé par le club sur tous ses supports : stade, maillots des joueurs, merchandising…
Le président du club, Jean-François Fonteneau, est dans l’incompréhension. Il a bien voulu répondre à nos questions : « Nous n’avons pas entendu parler de cette personne pendant vingt ans. Nous avons appris ça au début du confinement, dans un contexte bien particulier… Peu importe le temps, on sait que le droit de propriété intellectuelle court dans le temps. »
Le club s’interroge sur le droit de propriété intellectuelle du graphiste sur le logo « Ça n’a pas été une refonte complète du logo, il y a eu quelques légères modifications. Il n’y avait pas de choix artistique fort, aucune liberté créative n’avait été donnée au graphiste à l’époque. C’était de la mise en forme plus qu’une œuvre personnelle de l’esprit, il n’y avait pas d’empreinte personnelle. »
Le président du SUA conclut :« Cette affaire a été un coup dur pour nous, mais c’est formateur, c’est une expérience. Désormais nous connaissons les bases, on sait qu’on doit être vigilant. »
UN POINT JURIDIQUE
Le droit d’auteur et le droit de propriété intellectuelle peuvent parfois être méconnus des professionnels de la communication et des entreprises, voici l’occasion de faire quelques rappels juridiques. (sources)
La propriété intellectuelle recouvre à la fois la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique. Le droit de propriété intellectuelle est un outil de lutte contre le plagiat, et permet à l’auteur d’une création de protéger son œuvre et de lui octroyer les avantages liés à cette dernière.
La propriété intellectuelle regroupe deux types de droits. Les droits moraux (la propriété de la création), qui ne pourront jamais être achetés à l’auteur, et les droits patrimoniaux, aussi appelés « droits d’exploitation », qui eux, peuvent se vendre. Ces droits cessibles permettent à l’auteur de donner l’autorisation d’utiliser et d’exploiter son oeuvre, en échange d’une rémunération. Une cession des droits d’exploitation doit automatiquement être signée pour être en règle.
Une production créée à titre bénévole ne saurait être considérée comme comportant une cession de droits de propriété intellectuelle. Le propriétaire est totalement libre d’en interdire l’accès, quel que soit le préjudice que cela peut causer à la personne qui bénéficie de la production. Il importe donc pour les sociétés et les associations qui font appel à des tiers pour de la création, d’être extrêmement prudentes et de veiller à ce qu’une cession de droits soit formalisée,.
Lors de la production d’une œuvre de création graphique, la charte graphique rentre dans les droits de propriété intellectuelle, au même titre que la production finale (affiche, logo…).
ET À L’APACOM, ON EN PENSE QUOI ?
L’APACOM, lors de différents évènements, a souvent fait appel à l’apport bénévole de graphistes adhérents de l’association et qui s’engageaient comme d’autres professionnels dans nos actions.
Maryse Bernard, gérante de l’agence Citron Pressé, nous donne son point de vue de contributrice bénévole en graphisme pour l’APACOM :
« La notion de bénévolat est excessivement importante dans le monde associatif. Mais il y a bénévolat et bénévolat. On comprend bien qu’on aide dans des associations humanitaires par exemple, mais il est vrai que quand on touche un univers professionnel, ou on produit des choses qui pourraient être payantes, ça demande vraiment un grand engagement. Il faut le faire sans arrière-pensée. Le bénévolat est une notion importante pour les associations, qu’elles soient dans l’humanitaire ou dans le professionnel, comme l’est l’APACOM. Avec Citron Pressé, nous avons réalisé des logos, kakémonos, fait des réadaptations de logos, des outils de communication, bénévolement pour l’APACOM. »
Maryse Bernard se questionne sur l’encadrement du bénévolat dans les associations. Pour elle, il faut prendre en compte l’aspect juridique d’une production, même bénévole, mais aussi l’aspect moral qui entoure le bénévolat. « Personnellement, je trouve qu’un contrat c’est éthiquement dommageable, mais la société de la toute protection oblige ça. Un engagement sur l’honneur serait surement plus approprié dans le cadre du bénévolat qu’un contrat à proprement parler. »
Mariette Brenier, graphiste, adhérente et contributrice bénévole pour l’APACOM partage aussi sa vision des choses concernant la propriété intellectuelle et son application dans le contexte du bénévolat :
« C’est un sujet complexe, souvent peu connu des professionnels. Lorsqu’on fait du bénévolat, je considère qu’on donne notre temps et notre création au bénévolat. Mais il faut tout de même prendre des mesures nécessaires concernant le droit de propriété intellectuelle. Le bénévolat n’empêche pas le juridique. J’ai déjà, pour des associations, créé ou modifié des logos ou autres supports de communication mais cela a toujours été basé sur la confiance. Avec l’APACOM, c’était un travail d’exécution et de mise en forme, le droit de propriété intellectuelle ne s’appliquait pas. Même si le travail de création graphique est réalisé bénévolement, il faut un document qu’on appelle « note de droit d’auteur » pour régulariser la situation. Il est important de bien se renseigner avant, car personnellement, je côtoie régulièrement des cas où les règles de propriété intellectuelle ne sont pas respectées. Aujourd’hui, les gens pensent globalement qu’ils sont propriétaires des visuels et ce n’est pas le cas !»
Marie Chappaz
Discussion
Merci pour cet article sur un sujet que je ne maitrise pas du tout. Je vais prendre le temps d’y refléchir. A bientot.