Les nudges pour changer les comportements

Publié le par chez APACOM. Modifié le

A l’ère des petits pas pour lutter contre le changement climatique, les nudges ont le vent en poupe. Les pouvoirs publics mais aussi les acteurs du secteur privé qui souhaitent faire agir les consommateurs en sont de plus en plus friands. Cette technique est-elle vraiment efficace ?

Prononcez-moi « neudje »

Non, le nudges n’est pas un phénomène climatique. Issue des enseignements de l’économie comportementale et de la psychologie sociale, l’approche des nudges a été théorisée en 2008 par des chercheurs américains dans l’ouvrage Nudge: Improving Decisions about Health, Wealth, and Happiness (Nudge – La méthode douce pour inspirer la bonne décision). Le postulat de départ : en tant que consommateur et citoyen, nous sommes très loin de faire des choix rationnels et vertueux. Une campagne d’information ne suffit pas à nous faire arrêter de fumer, par exemple, même si nous connaissons les dangers réels du tabac. C’est là que les sciences comportementales interviennent. La théorie des nudges suggère que l’on peut influencer les choix des individus par des incitations non financières, non contraignantes et peu coûteuses à mettre en place. La panacée de tout communicant !

S’il fallait traduire l’expression anglo-saxone, on parlerait de coup de coude, pour attirer l’attention, et de coup de pouce pour aider à l’action.

 « Avec le nudge, on génère en quelques sorte un conflit cognitif chez l’individu en lui permettant de le résoudre par un nouveau comportement » Thierry Libaert

Des applications multiples

Depuis dix ans environ, la théorie est largement utilisée par les pouvoirs publics pour orienter les individus vers les « bons choix » pour la société, d’abord dans le secteur de la santé, depuis une dizaine d’années dans le secteur de l’environnement et de plus en plus par les entreprises.

Parce que le nudge peut finalement s’appliquer à tous les domaines: amélioration de la productivité en entreprise, lutte contre la discrimination, l’obésité et le tabagisme, choix de régimes de retraite complémentaire, protection de l’environnement et réduction des déchets, ou encore influence dans la mécanique de choix entre un produit et un autre….

Thierry Libaert décrit les différentes techniques de nudge dans un dossier spécial du n°39 des Cahiers de l’AFCI (dossier spécial «En quête d’engagement»)

  1. Le choix par défaut : on choisit pour vous la « meilleure solution », tout en vous laissant la liberté de modifier le choix par défaut.

Exemples :

  • Une photocopieuse paramétrée en tirage recto verso, avec la possibilité existe de la re-paramétrer en simple recto (réalisé en 2008 dans les établissements publics en France)
  • Une machine à café est paramétrée sans sucre, avec la possibilité d’ajouter du sucre si on le souhaite.
  • Une livraison de repas avec la possibilité de cliquer pour recevoir des couverts jetables plutôt que de les livrer par défaut. 
  • L’arrêt de la mise à disposition des sacs en plastique à la caisse des magasins, obligeant les clients à en faire la demande
  1. La meilleure visibilité pour le meilleur choix, qui a souvent un aspect ludique important.

Exemples :

  • Des mouches collées dans les urinoirs de l’aéroport d’Amsterdam pour indiquer aux hommes où viser permettant une réduction de 80% des dépenses de nettoyage dans les toilettes des hommes !
  • Une poubelle ou un cendrier ludique pour inciter à jeter ses déchets, comme le cendrier de la Maison écocitoyenne de Bordeaux ou les poubelles du Havre transformées en poubelles-panier de basket

Cendrier devant la maison écocitoyenne de Bordeaux / Poubelle-panier de basket au Havre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Pour inciter les enfants à mettre la ceinture de sécurité dans le car scolaire la « Nudge Unit » de BVA a sorti les ceintures pour les mettre dans un fourreau très visible, obligeant l’enfant qui s’installe à toucher la ceinture soit pour l’écarter soit pour la boucler alors qu’elle était cachée avant. Résultat : multiplication par 2,5 du port de la ceinture.

  1. L’imitation : on indique un résultat collectif pour inciter à se comporter dans la norme (comparaison sociale)

Exemples :

  • Un affichage dans une chambre d’hôtel concernant les serviettes indiquant « 75% des clients de cette chambre réutilisent leurs serviettes ». Résultat : 44% des clients conservaient effectivement leur serviettes, contre 35% si la statistique n’était pas précisée (on ne débattra pas aujourd’hui sur l’éthique d’un tel mensonge…)
  • En 2011, un fournisseur d’énergie américain a envoyé des courriers du type : « Le mois dernier, vous avez utilisé 15 % d’électricité de plus que vos voisins les plus économes. » avec des graphiques permettant de comparer la consommation énergétique de son foyer avec celle de ses voisins agrémentés d’un smiley souriant en cas de baisse de la consommation. Résultat : une baisse moyenne de la consommation d’électricité de 2 %.
  • Toujours aux Etats-Unis, une note a été apposée sur la porte de 120 maisons pour informer les foyers du nombre de voisins participant au recyclage des ordures ménagères et de la quantité recyclée. Résultat : les ordures triées ont augmenté de 19 %

La recette du nudge

Pour un bon nudge, il vous faudra :

  • Définir votre cible et le comportement recherché
  • Explorer le terrain pour valider (ou non) votre hypothèse
  • Concevoir votre nudge : déterminer une incitation non culpabilisante et libre de choix +
  1. Une proposition visuelle ou
  2. Une proposition par défaut (la meilleure solution selon vous) ou
  3. Une comparaison avec un groupe social donné
  • Tester votre nudge dans des conditions réelles avec des zones « avec nudge » et des zones « sans nudge », puis comparer les résultats, améliorer, optimiser
  • Sélectionner le ou les meilleurs nudges et implémenter à grande échalle
  • Mesurer les résultats comme toujours (les indicateurs auront été déterminés en amont) !

 

Les limites des nudges

L’utilisation des nudges permettrait donc changer les décisions individuelles dans le but de résoudre les enjeux de société tels que celui de la transition énergétique.

Mais comme expliqué dans un récent billet de The Conversation, cette hypothèse part du principe que les comportements des individus sont autodéterminés et que le nudge va modifier « l’architecture de choix ». Cependant de telles interventions ont-elles une chance de modifier les comportements de façon durable ? Que se passe-t-il le jour où le nudge disparait ? L’article présente deux grands risques supplémentaires à la stratégie des nudges :

  • Ils orienteraient les individus vers des décisions bénéfiques pour le bien commun à leur insu, en vertu d’un « paternalisme libertarien »( « paternalisme » car l’objectif est d’influencer votre choix et « libertarien » car vous avez toujours le choix d’aller manger un burger si vous le désirez). Incitation ou manipulation ?
  • Ils sur-responsabiliseraient les individus en les désignant premiers responsables des désordres à résoudre

Enfin, il est évident qu’un nudge ne remplacera pas une campagne de communication. Il s’agira plutôt de compléter une campagne d’affichage, par exemple, avec un dispositif de nudges adéquat correspondant à l’objectif recherché. Bien utilisé, il décuplera l’effet attendu.

En savoir plus 

 

Article rédigé par Céline Réveillac, commission Com’avenir

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