La semaine dernière, le député de La République En Marche (LREM) et mathématicien Cédric Villani présentait son rapport sur l’intelligence artificielle (IA). Que faut-il retenir de ce rapport ? Comment la France va-t-elle se positionner pour tirer avantage de cette révolution ? Quelles perspectives l’IA offre-elle à nos métiers de communicants ?
Un rapport très attendu
Le visage de Cédric Villani, qui a été élu député de l’Essonne (91) en juin dernier, ne nous est pas étranger : il est lauréat de la médaille Fields en 2010. En septembre 2017, le gouvernement lui commande un rapport qui permettra d’affiner la stratégie de la France dans le domaine de l’IA.
Dans ce rapport de 240 pages, plusieurs problématiques sont balayées : enjeux économiques, évolution de l’industrie et du secteur tertiaire, traitement des données… Le résultat est sans appel : la France est à la traine par rapport à la Chine, les Etats-Unis et la Russie.[1]
Tous les secteurs d’activité sont concernés, à différents degrés, par l’IA. La communication et le marketing n’échappent pas à cette déferlante où les algorithmes sophistiqués font bouger les lignes.
Le rapport de Cédric Villani était d’autant plus attendu que les récents scandales impliquant l’IA ont suscité l’indignation générale : mort d’une Américaine percutée par une voiture autonome aux Etats-Unis, détournement des données personnelles de 90 millions d’utilisateurs de Facebook… L’enjeu ? Equilibrer les demandes de recherche, d’innovation et de commercialisation sans compromettre la nécessité de protéger la vie privée et la sécurité de la société.[2]
Les éléments-clés à retenir
Six grandes propositions du rapport de Cédric Villani sont mises en exergue par le magazine Sciences et Avenir[3] :
- Mettre la data au cœur de la politique économique
La protection des données fait partie des priorités de l’Etat. Dans cette optique, il faut mettre en lumière les acteurs de l’IA et de leur donner des objectifs pour que l’Etat puisse se moderniser. Quatre domaines d’actions prioritaires : la santé, l’environnement, les transports et la Défense.
- Réformer la recherche française
Il s’agit de fédérer le monde de la recherche autour de l’IA : créer des formations adaptées et attirer les futurs étudiants vers ce domaine d’avenir. Ainsi, il y aurait plus de professionnels de l’IA pour développer des instruments de calculs qui pourraient concurrencer les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple).
- Anticiper les impacts sur le travail et l’emploi
L’automatisation et la robotisation guettent de nombreux métiers et savoir-faire, d’où la nécessité d’une transformation de la formation initiale et continue pour anticiper au maximum la révolution de l’IA.
- L’intelligence artificielle au service d’une économie plus écologique
L’IA est gourmande en énergie, c’est pourquoi le rapport propose la création d’un label qui valorise les innovations aux impacts limités sur l’environnement. Le rapport recommande de rendre publiques toutes les données météorologiques, agricoles, de transports, d’énergie, de biodiversité, de climat et de déchets.
- Définir une éthique
L’IA présente des risques éthiques puisqu’elle prend le pas sur l’homme. Le rapport insiste donc sur l’intégration de la dimension éthique dans l’enseignement en informatique à tous les niveaux. Une communication publique pédagogique doit être mise en place.
- Pour une IA inclusive et diverse
Comme dans la plupart des domaines scientifiques, il y a peu de femmes spécialisées dans l’IA. Une telle inégalité peut conduire en effet à introduire des biais cognitifs dans les recherches. Il faut donc initier une politique pour la mixité et viser un seuil de 40% de femmes étudiantes puis chercheuses en IA.
Les communicants esclaves de l’IA ?
L’IA est un domaine mal connu du grand public où règne la confusion entre les fantasmes de science-fiction, la réalité scientifique, les annonces grandiloquentes et les fake news.[4]
Une des craintes le plus souvent évoquées est l’impact de la robotique sur l’emploi. Ces technologies vont-elles rendre l’humain obsolète pour certains métiers ? On se croirait dans une prophétie inspirée par Elon Musk, Bill Gates ou Stephen Hawking !
Pourtant, dans le domaine de la communication, l’IA peut en effrayer plus d’un. Et si les sites web se mettaient à jour seuls ? Et si les logiciels de graphisme traduisaient nos pensées et les amélioraient ? Et si nous ne communiquions que par notifications générées automatiquement ?
PaperJam fait un constat alarmant : certains professionnels de la communication manquent de motivation à cause de la digitalisation progressive de leurs missions.[5] Surinformation, dépendance aux réseaux sociaux, vigilance permanente quant à leur identité numérique… Nous devons être toujours plus réactifs, ce qui fait naître une certaine anxiété qui peut mener à une baisse de la productivité.[6] Plusieurs études et expérimentations seront d’ailleurs lancées dans les mois à venir, en France et en Europe, pour étudier le phénomène d’hyperconnexion.
Il semble évident que nos métiers seront bouleversés par l’IA, comme ils l’ont été avec Internet. C’est un défi pour la France mais aussi pour l’Europe d’arriver à tirer profit de l’IA tout en anticipant les déviances qu’elle occasionne…[7]
Ne cédons pas au catastrophisme : l’IA va sûrement nous changer la vie et comme toujours nous nous adapterons ! L’IA fait de belles promesses qu’elle compte tenir. « Ne ménageons pas notre enthousiasme », disait Jean Rochefort.
Julie Cazalis.
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Sources :