12 Septembre 2018 : après avoir été rejetée au début de l’été, la directive visant à réformer le droit d’auteur sur internet est finalement approuvée par le Parlement européen !
Pourtant, loin de se réjouir, la sphère des communicants, éditeurs, journalistes et autres créateurs de contenus, continue à débattre. Car au delà du respect du droit d’auteur, le texte soulève des questions pratiques, éthiques, mettant en danger d’autres libertés individuelles, ainsi que l’un des principes fondateurs du succès d’internet : celui de l’open data.
À qui profite le crime ?
Si la violation des droits d’auteur sur internet est signalée comme abusive, ce n’est pas à cause de l’usage qui en est fait par les entreprises ou les particuliers, bien sûr. C’est surtout parce qu’elle bénéficie aux grands hébergeurs du Web (les fameux GAFA), dont le métier est de mettre de la donnée à disposition des internautes, tout en faisant payer des annonceurs… et en omettant de rétribuer leurs sources (contrairement aux diffuseurs, tels qu‘un Netflix ou un Deezer, qui eux, proposent du contenu soumis à licence). Le problème est que ces hébergeurs sont les mêmes qui permettent aux créateurs de contenus, à nous tous, communicants, artistes, journalistes, de nous rendre visibles et de vendre ! Impossible donc, à ce jour, de les éviter, encore moins de les boycotter !
Faute de pouvoir faire respecter le droit stricto sensu, le législateur a donc essayé de rétablir un certain équilibre.
Un équilibre difficile à trouver.
Le législateur ne pouvant arrêter les grosses machines du web, il va tenter de limiter leur suprématie, principalement au travers des articles 11 et 13 de la directive.
Le premier concerne les éditeurs de presse et prévoit la création d’un droit voisin, qui les rendra détenteurs des droits sur les articles indexés, ainsi que sur les liens dynamiques vers les articles ou contenus. Problème : comment prouver la paternité de chaque article ? Un travail titanesque, presque impossible…
L’article 13, quant à lui, pose le principe de responsabilité des plateformes, obligeant celles-ci à filtrer chaque contenu en amont, si elles ne veulent pas se retrouver coupable d’infraction, puis à le signaler aux détenteurs des droits… On imagine la lourdeur de ce processus, qui, au risque de censure (même si le texte mentionne qu’il faudra éviter le blocage systématique), ajoute celui de donner un nouveau prétexte (légitime cette fois) aux géants du web pour passer au crible les contenus.
Une révolution à (di)gérer ?
La montée en puissance de l’édition indépendante (avec près d’1 livre sur 2 déposé en autoédition en 2017 contre 1 sur 5 en 2016 selon une étude de l’observatoire du dépôt légal ) et des plateformes de téléchargement légales, sont les signes incontestables que le monde de la création s’est déjà largement déplacé sur le web. Dans un tel contexte, on peut se demander si le législateur n’a pas seulement pu jouer un rôle de médiateur, rappelant à l’ordre les GAFA, tout en faisant un pas vers les corporations en colère …
Une chose est certaine, en moins de 30 ans, internet a bouleversé le contexte de la diffusion des oeuvres, créant autant d’opportunités de communication pour les auteurs, que de business pour les diffuseurs.
Une révolution comme le monde économique en a souvent connu mais qui, du fait de sa rapidité et des enjeux de libertés individuelles sous-jacents, va requérir, une fois le constat du législateur fait, une vigilance accrue de la part des auteurs vis à vis des contenus mis à disposition sur internet et une nécessaire adaptation du monde de l’édition.
Laure Lapègue