Mardi 5 juin, la commission des Matins de l’APACOM recevait Laurence Mayerfeld, directrice régionale de France 3 Nouvelle-Aquitaine et Sabine Boudet, directrice de clientèle de France Télévisions Publicité. Elles nous ont parlé de l’avenir du groupe audiovisuel créé en 1992 et désormais dirigé par Delphine Ernotte.
Quelques mots sur France 3 Nouvelle-Aquitaine
Avec la création des nouvelles régions suite à la réforme territoriale de 2016, les trois directions régionales de France 3 Bordeaux, Limoges et Poitiers ont été regroupées dans une même entité « France 3 Nouvelle-Aquitaine » dirigée par Laurence Mayerfeld.
Ces trois éditions régionales sont complétées par 5 éditions locales :
- Périgord à Périgueux
- Atlantique à La Rochelle
- Euskal Herri Pays Basque à Bayonne
- Sud Aquitaine à Pau
- Pays de la Corrèze à Brive-la-Gaillarde
Sept BIP (bureaux d’information de proximité) viennent compléter le maillage du territoire par France 3 Nouvelle-Aquitaine (Angoulême, Mont-de-Marsan et Niort entre autres). Au total, on dénombre donc 15 implantations de France 3 dans la nouvelle grande région.
Au total, France 3 Nouvelle-Aquitaine dispose d’un budget de 50 millions d’euros par an. Ce budget permet de coproduire en moyenne 30 documentaires, 6 journaux télévisés pour les 5 éditions locales soit un total de 30 JT par jour, ainsi que de nombreuses émissions.
Evidemment, France 3 Nouvelle-Aquitaine s’adapte à la réalité économique du secteur audiovisuel : de plus en plus de relais sur les réseaux sociaux, de plus en plus de replay, de moins en moins de direct. A titre d’exemple, les 3 pages Facebook (Bordeaux, Limoges, Poitiers) rassemblent au total 500 000 amis. A noter également le choix de faire fusionner les 3 sites web France 3 Nouvelle-Aquitaine.
Pourquoi changer quand ça va bien ?
Les PDA (parts d’audience) des chaines de la région peuvent atteindre jusqu’à 17 à 19% aux heures de JT. Ce haut niveau d’audience s’explique, entre autres, par un public vieillissant encore très attaché aux journaux télévisés à heures fixes.
Cependant, l’entreprise est consciente qu’elle doit proposer quelque chose de différent pour attirer un public jusqu’ici sceptique de la télévision. La communication du groupe doit changer, d’où le basculement progressif vers la future chaine NoA.
L’idée de NoA n’est pas vraiment novatrice au début. D’autres filiales de France 3 ont essayé mais peu ont réussi à implanter une chaine 100% locale, la seule victorieuse étant ViaStella, diffusée en Corse.
Trois constats ont été dressés par les équipes de recherche :
- aucun média ne parle à l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine : pas d’objet éditorial commun, mais une envie de partage qui est bien présente
- les modes de consommation des contenus ont évolué : si un contenu est fort et court, on est susceptible d’aller voir un contenu long
- la fracture numérique, sociale et géographique est réelle : tout le monde n’a pas encore accès à la télévision ni à Internet.
Focus sur NoA, qui sera lancée en septembre 2018
Tout part de l’idée d’un portrait hebdomadaire. Laurence Mayerfeld justifie sa démarche et ce pari pour le moins osé : « Il faut amener dans les territoires de façon volontariste car ils ne viendront pas vers nous ». La chaine NoA s’intéressera donc aux villages et aux villes des zones périurbaines dont on parle très peu.
Laurence Mayerfled précise également que « tout produit pour NoA sera écrit avec et pour des formats numériques » et que les caméras iPhone deviendront des outils de production de premier plan. L’objectif ? Mélanger plusieurs moyens de productions.
Autre évolution marquante avec NoA, les professionnels ne feront pas du « vrai » journalisme. Selon plusieurs études, les téléspectateurs jugent que l’info régionale est la plus fiable, d’où la profusion de sources dans les JT de France 3 Régions, mais sur NoA on ne cherchera pas forcément de l’information vraie et vérifiée. Il sera question de découvrir la vie dans la région et les activités de ses habitants.
Ainsi, un salarié exercera au cours de la journée plusieurs métiers. Les employés du groupe France Télévisions en sont conscients et sont prêts à œuvrer pour ce changement en travaillant pour NoA dont la prétention est de « redonner la parole au territoire. » En ce sens, NoA constitue un laboratoire d’observation inédit en France. Si le pari s’avère gagnant, à eux la gloire (et à nous le chauvinisme !)
NoA ne lésine pas sur ses objectifs de production de contenu. A son arrivée sur nos écrans en septembre 2018, la chaine lancera 1h de production nouvelle puis montera en puissance pour proposer un JT dès janvier 2019.
La publicité chez France Télévisions, tout un programme
Dès le début de son intervention, Sabine Boudet rappelle les quatre grandes valeurs du groupe audiovisuel France Télévisions : qualité, efficacité, proximité et innovation.
L’objectif de l’entreprise ? « Permettre au téléspectateur de retrouver sur toutes les chaines la diversité des genres : information, fiction, sport, jeunesse et divertissement. ». Un pari gagnant depuis de nombreuses années puisque France 2 et France 3 sont les chaines préférées des Français avec un taux de confiance de 82% (loin devant les chaines des groupes TF1 et M6).
Cet amour des Français, qui dure depuis plusieurs décennies, s’explique notamment par un afflux publicitaire moindre. Sabine Boudet rappelle le nombre de messages publicitaires diffusés après 20h sur les chaines :
- 33 sur les chaines de France Télévisions,
- 238 sur chaines de TF1,
- 208 sur les chaines de M6.
Finalement, comment France Télévisions parvient-il à gagner de l’argent ? La solution est simple : si une marque X veut un créneau publicitaire après 20h, elle doit parrainer la météo par exemple. La loi sur le parrainage a récemment été assouplie : on passe de 8sec à 12sec accordées par spot de pub, avant et après le programme, donc 24sec au total. Cela laisse le temps de présenter un produit en détails.
Pour les annonceurs, faire appel à la régie publicitaire de France Télévisions constitue une force de frappe énorme. Au total, 32 millions de téléspectateurs choisissent France Première, France 2, France 3, France 4, France 5 ou France Ô. Même sur l’application du groupe on dénombre 69 millions de vidéos vues.
A la question « Est-ce que la Nouvelle-Aquitaine est assujettie à des publicités et des programmes ciblés sur la région ? », Sabine Boudet répond que oui. La télévision est segmentée et la publicité est de plus en plus adaptée à la géographie. C’est là la plus grande mutation à venir au sein du groupe.
Julie Cazalis