ATTENTION AUX « WASHINGS » EN TOUT GENRE DANS LE MONDE D’APRÈS

Publié le par chez APACOM. Modifié le

À l’aube du « monde d’après », chacun espère apercevoir une société plus éthique, durable et responsable. Wedressfair, site de mode responsable a lancé il y a quelques semaines une campagne de sensibilisation au « greenwashing ». Une occasion de se questionner sur des potentiels « washings » à venir dans la communication des marques et notamment le nouveau « coronawashing » ! 

Le greenwashing est, malheureusement, devenue monnaie courante dans l’univers de la publicité et de la communication. Orienter ses actions de marketing ou de communication vers un positionnement écologique, dans l’optique de redorer une image parfois aux antipodes de l’éthique et de l’écologie, c’est cela qu’on appelle « greenwashing ». Les grandes multinationales polluantes sont les cibles principales de dénonciation de l’utilisation du greenwashing : Total, Nutella, l’industrie de l’automobile mais aussi celle du « fast fashion »*…

LE greenwashing : le cas du prêt-à-porter

La semaine du 24 avril dernier avait lieu, comme chaque année, la Fashion Revolution Week. L’idée mère de ce mouvement est de renouveler la consommation de la mode, la rendre plus éthique, plus responsable. Cette année, le thème était « Consommation de masse : la fin d’une ère ». Cette initiative en faveur de la mode engagée trouve son origine dans le tristement célèbre évènement du 24 avril 2013 : l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, bâtiment abritant six usines à textile, faisant pas moins de 1138 morts. 

Ce drame a mis la lumière sur les conditions de travail et de production de l’industrie de la mode et plus particulièrement du « fast fashion« . L’indignation de beaucoup a débouché sur l’adoption d’une loi en France en 2017 sur la vigilance des sociétés-mères et entreprises donneuses d’ordres, concernant la production industrielle dans son ensemble. Un grand pas en avant !

Cependant, l’industrie du prêt-à-porter fait de cette avancée éthique une occasion d’enjoliver une image entachée par la réputation de la fast fashion. Comme d’autres domaines, l’industrie de la mode a elle aussi recourt à un greenwashing abusif, mettant sous silence les pratiques controversées pour ne communiquer que sur la partie visible de l’iceberg. 

C’est dans ce contexte que le site de mode responsable Wedressfair  alerte sur l’utilisation du greenwashing pour relancer le prêt à porter après la crise sanitaire. Wedressfair a souhaité dénoncer ses pratiques controversées à l’aide d’une campagne d’affichage relayée par le hashtag #duvraipasduvert. Cette campagne se compose de quatre affiches, reprenant les codes des campagnes d’affichages des marques de prêt à porter. 

@wedressfair

 

Wedressfair lance un débat plus large : comment éviter les « washings » en tout genre (greenwashing, socialwashing**, coronawashing) après la crise du Covid-19 ?

VERS UN « CORONA-WASHING » ?

Alors que beaucoup s’interrogent déjà sur les intentions des entreprises investies dans l’écologie, dans un mouvement plus responsable, il sera désormais nécessaire de questionner les postures responsables, solidaires et engagées face au Covid-19

En plein confinement, beaucoup de secteurs, celui du luxe notamment, se sont montrés très engagés et solidaires. L’initiative  « savoir faire ensemble » est un bel exemple. De nombreuses entreprises ont réorienté leur production pour répondre à la crise sanitaire. Un véritable élan de solidarité a agité le pays. Pourtant, derrière toute bonne action peuvent se cacher des intérêts d’image, de notoriété ou de marketing.

La mise en avant de ses propres produits ou services pour pallier la crise sanitaire peut faire débat sur les intentions cachées. Le groupe Clarins par exemple, offre aux hôpitaux leurs produits de cosmétiques afin de soulager les mains des soignants abîmées par l’utilisation constante de gel hydroalcoolique. Une initiative de solidarité mais qui permet aussi à la marque de communiquer sur ses produits… 

Un autre exemple parlant avec la marque Lunettes pour tous. Mettant en avant l’argument que les soignants doivent « bien voir pour bien soigner« , la marque a décidé d’offrir des lunettes au personnel soignant et de communiquer sur ses réseaux sociaux sa démarche. Un moyen pour elle de parler de ses produits tout en les associant à la lutte contre le virus. 

La question se pose : engagement sincère ou opportunisme

Laëtitia Hugé, consultante en mode éco-responsable, décrypte. « Dans l’engagement éthique, tout est question de sincérité. Il n’est pas facile de déceler le niveau de sincérité d’une marque« . Pourtant, le consommateur peut rapidement se retrouver confronté à deux phénomènes : « Soit la marque est transparente, elle affirme être au début de son engagement éthique et que tout n’est pas parfait; soit tout est beau, tout est vert et dans ce cas là, ce n’est pas un engagement sincère.« 

« Ce n’est pas grave pour une marque de ne pas être parfaite dans ses engagements éthiques, ce qui est grave c’est de faire croire qu’on l’est.« 

Le nouveau phénomène du « coronawashing » est réel. Il repose sur le fait que « cette crise sans précédent pousse les consommateurs à se poser des questions sur ce qu’est un besoin de première nécessité, sur leur habitudes de consommation…« . Si les consommateurs se questionnent, les marques aussi doivent se questionner sur des changements éthiques, responsables et écologiques. « Des marques, sincères, qui se posaient déjà des questions, vont accélérer le processus vers un nouveau mode de production pour impulser un nouveau mode de consommation. D’autres, c’est le risque, vont tirer profit des évènements et des bouleversements, faire de la communication sur un engagement qui n’est pas sincère.« 

Laëtitia Hugé insiste sur le fait que tous les changements relatifs aux modes de consommation, de production, ne peuvent pas se faire du jour au lendemain. « Je crois à la théorie des petits pas« . Lorsqu’une marque entame une communication éthique et responsable de façon soudaine, et sans accroc, ce n’est pas sincère.

« On sort tout juste du déconfinement, il faudra voir dans les mois qui viennent comment tout cela se traduit « . Cependant, « On attends un changement, car beaucoup de marques se posent des questions, veulent être éthiques face à la crise, mais ont peur d’être jugées. Il faut assumer de commencer par des petites choses« . Communiquer sur des engagements éthiques, écologiques, durables, ne doit pas être perçu comme un risque à prendre pour les entreprises et les marques. «  Le consommateur est méfiant et à juste titre, mais une marque qui communique sincèrement ne risque rien car elle pourra toujours se justifier avec transparence. » La transparence des marques, c’est la clé contre les « washings » en tout genre. 

expression anglo-saxonne utilisée pour désigner le renouvellement constant et rapide (plusieurs fois par saison) des collections d’articles dans l’industrie vestimentaire.

** consiste à masquer de mauvaises pratiques internes, managériales et de mauvaises conditions de travail, par exemple derrière des services aux salariés sur lesquels l’entreprise communique sans pour autant adopter une réelle démarche de prévention. (source)

Marie Chappaz

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